Consultation du CSE sur le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) : comment ? dans quel but ?

Selon les dispositions de l’article L 2312-9 du Code du travail :

« Dans le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, le comité social et économique :

1° Procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs, notamment les femmes enceintes, ainsi que des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 [facteurs de pénibilité] ;(…) »

Le CSE jouait donc déjà, en amont, un rôle dans l’évaluation des risques professionnels et l’employeur se devait donc d’associer le CSE ou la CSSCT à l’évaluation des risques.

De plus, désormais, selon les dispositions de l’article L 4121-3 issues de la loi santé et sécurité au travail (loi du 2 août 2021), applicables depuis le 31 mars 2022 :

« (…) Le comité social et économique est consulté sur le document unique d’évaluation des risques professionnels et sur ses mises à jour ;(…) »

Pour les membres élus du CSE comme pour les DRH qui conduisent cette consultation, il semble utile d’apporter un éclairage concret sur ce qui nous semble devoir être la teneur de cette consultation.

  • Comment consulter le CSE ?

On rappellera tout d’abord que les articles L 2312-14 et L 2312-15 fixent les modalités de toute consultation du CSE (voir notre article : https://www.village-justice.com/articles/comment-consulter-cse-regles-essentielles,39413.html sur ce point) : la consultation précède la décision de l’employeur, le CSE dispose d’informations précises et écrites et d’un délai d’examen suffisant. L’employeur doit en outre apporter une réponse motivée aux observations du CSE et il rend compte, en la motivant, de la suite donnée aux avis et vœux du CSE.

En réalité, comme le DUERP est tenu à la disposition « des travailleurs » et du CSE (article R 4121-4), l’essentiel, pour mettre en œuvre des modalités de consultations conformes à ces exigences consiste à associer réellement le CSE à l’évolution du DUERP, de telle sorte qu’il puisse être tenu compte de ses propositions.

Il nous semble que les élus du CSE, à la lecture du DUERP, ont quelques questions essentielles à se poser :

  • L’inventaire des risques mentionnés dans le DUERP est-il complet ? Certains risques-ont-ils été omis ? certains auraient-ils évolué ? dans l’affirmative, lesquels ?
  • Les consignes de sécurité, qui constituent des mesures de prévention des risques, sont-elles connues ? appliquées ? Si tel n’est pas le cas, que faire pour remédier à ces lacunes ?
  • Les différentes composantes des risques psychosociaux ont-elles été identifiées ? Sur ce point, comme le font de nombreux DUER (mais pas tous…), on notera qu’il est souhaitable d’en faire une rubrique commune à toutes les unités de travail en distinguant clairement les risques liés au stress, le harcèlement moral, le harcèlement sexuel ainsi que les risques de violences externes, plus fréquents qu’on ne le pense ;
  • Plus généralement, les mesures de prévention mentionnées dans le DUERP sont-elles suffisantes et d’ailleurs comment apprécie-t-on leur efficacité ? Méritent-elles d’être complétées (la consultation des fiches INRS établies sur tout type de risques permet de s’en assurer ; se référer à des études complémentaires peut être utile) ? Dans l’affirmative, il appartient alors au CSE de formuler des propositions précises et argumentées auxquelles l’employeur se devra d’apporter une réponse motivée.

Les élus chercheront la réponse à ces interrogations en comparant les dispositions du DUERP aux observations faites en rencontrant les salariés sur leur lieu de travail, notamment à l’occasion des inspections du CSE (remarque : au-delà de l’observation visuelle des situations, le recours à des questionnaires ciblés peut être très utile et permettre le recueil de constats plus précis). Bien entendu, ces observations se devront d’être factuelles et soutenues par des éléments précis recueillis et restitués en accord avec les salariés concernés.

On observera que le travail des élus est potentiellement très utile car ils peuvent, compte tenu de la diversité de leurs fonctions respectives et de leurs contacts avec leurs collègues de travail, apporter des informations « du terrain », complémentaires à celles dont dispose le rédacteur du DUERP.

Les propositions formulées ci-dessus ont vocation à constituer le « mode opératoire » lors de toute consultation relative aux mises à jour du DUERP requises au moins une fois par an et lors de tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ainsi qu’à chaque fois qu’est recueillie une information supplémentaire relative à l’évaluation d’un risque (article R 4121-2).

  • Dans quel but ?

On le sait, « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L 4121-1).

Cette obligation de sécurité, définie lors des arrêts amiante (2002) comme une obligation de sécurité de résultat, est désormais considérée comme une obligation de moyens renforcée (Cass soc 25 novembre 2015, n° 14-24.444). Pour faire simple, en cas d’accident, il incombe à l’employeur mis en cause, d’être en mesure de démontrer qu’il a effectivement pris toutes les mesures nécessaires pour éviter la réalisation d’un risque qui s’est pourtant concrétisé.

En particulier, ce risque était-il mentionné dans le DUERP ? Les mesures de prévention prévues étaient-elles suffisamment appropriées et efficaces ? Il apparaît probable que le respect du processus de consultation du CSE contribuera, ou non, à démontrer la réalité de l’effort d’analyse des risques et de la mise en place de la prévention entrepris. Il aura aussi son importance pour apprécier l’existence d’une éventuelle faute inexcusable de l’employeur.

Pour conclure, il nous semble que chacun en conviendra : si cette implication désormais plus forte du CSE dans la mise au point et l’évolution du DUERP est constructive, l’ensemble des parties en présence en bénéficiera : l’employeur aura pu affiner son effort de prévention et donc le risque d’accident (ainsi que celui de sa mise en cause sur le fondement de la faute inexcusable), le CSE aura la satisfaction de remplir efficacement et concrètement une de ses missions essentielles -celle relative à la santé et à la sécurité des travailleurs- et la sécurité au travail des salariés, tant en ce qui concerne les risques physiques que les risques psychosociaux en sera améliorée.

On ne peut que souhaiter que ces nouvelles attributions y contribuent.

 

Jean-Marc JAUFFRET, Avocat au barreau de LYON

(jm.jauffret.avocat@free.fr)

www.jmjauffretavocat.fr